Citoyenneté de non citoyens: complété de "Réflexions obliques" par J. Rancière

· Publications de l'Université de Saint-Etienne
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À propos de cet e-book

Cet ouvrage prend position face à l’opinion dominante qui considère qu’une catégorie d’individus et de groupes est dépourvue des propriétés qui font le citoyen ; plus profondément, elle leur retranche une part d’humanité. Cette mise à l’écart pose une question politique : ils/elles sont mères sans papiers, citoyens effacé(e)s en Slovénie, sourd(e)s, illettré(e)s, Tsiganes et voyageurs, personnes en situation de handicap, ou occupent plus généralement des emplois subalternes… mais, ailleurs ou ici, invisibles souvent, tous, toutes s’efforcent de vivre sinon de survivre pour les leurs et, ce faisant, créent pour la plupart une zone franche bien à eux. Car, par-delà le milieu dans lequel ils se terrent, ils agissent, attentifs, « en font plus », transformant et participant à la société. Sans eux, elle ne serait pas la même. Encore faut-il aller les voir, échanger nos confiances pour se faire accepter, partager leur secret et décrire les pratiques par lesquelles ils s’affranchissent localement des assignations qui en font des assistés, sinon des fauteurs de trouble. Ce livre montre en quoi précisément ils sont nos égaux, chaque auteur traitant du domaine ou du public dont il est spécialiste. Il est aussi remarquable que leurs contributions, les inventions surgies de leur lutte quotidienne et dont on les croyait incapables se transmettent moins par le dire, médium normatif que privilégient les dominants, que par la contagion des pratiques qui outrepassent la barrière des préjugés.

Porter un autre regard sur celles et ceux qui ont été rejetés aux marges, c’est aussi considérer autrement la politique : avec eux, le mot émancipation reprend sens. J. Rancière en discute ici pour relancer la réflexion.

Notes et avis

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André Hovart
28 février 2017
Cet ouvrage invite opportunément à porter un regard moins stéréotypé sur la notion de citoyenneté, regard conditionné par la définition restreinte ou étriquée que nous infligeons, consciemment ou inconsciemment, à ce mot. La citoyenneté, ce serait non seulement vivre dans la cité en « bonne intelligence » avec les autres, avec les autres « citoyens », ceux que nous reconnaissons comme tels, mais ce serait porter attention à d’autres « citoyens », ceux que nous côtoyons sans les voir, que nous «assignons à résidence » mais qui participent, tout autant, à la vie de la cité. Et bien plus qu’en paroles: en actes. Actes qui passent, le plus souvent, inaperçus, parce que provenant « d’individus ou de groupes atteints de divers handicaps, physiques ou idéologiques parmi lesquels l’illettrisme, l’itinérance, les emplois subalternes… » Dans ces actes qui ont lieu à bas bruit se redéfinirait une « politique du proche » où termes et actes de la vie en commun questionnent les écarts que nous plaçons nous-mêmes entre catégories de citoyens… Les notions de territorialité (frontières visibles et invisibles), de légalité (pour qui sont faites les lois ?) s’en trouvent redéfinies, à travers ce que l’ouvrage appelle: « zones d’affranchissement ». On appréciera que certaines propositions ou mots jetés en pâture dans le vacarme médiatique de l’actuelle campagne électorale soient ici remis posément en perspective: la « globalisation », le « revenu de base inconditionnel », « l’assistanat », ou encore l’une des trois belles devises de la République inscrites au fronton des mairies: l’égalité. Le cas de Constance, employée municipale illettrée qui, de sa propre initiative, avec l’accord de sa responsable, redessine les contours d’un service et crée deux nouveaux emplois, force l’attention. L’inventivité de Constance est bien plus efficace qu’un discours… Changer notre regard sur ces personnes qui recréent, réinventent en acte la citoyenneté par « pollinisation » ou « contagion », c’est, écrit le directeur de publication, « prendre date ». L’actualité récente nous montre en effet qu’il y a urgence à reconnaître qu’au-delà même de la complexité de cette notion, la citoyenneté est et doit rester « une ».
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