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Cet ensemble de lettres constitue un condensé de la philosophie rousseauiste. Laissé à l'état de brouillon, il ne fut rendu public dans son intégralité qu'en 1888.
La plus dure et la pire des contraintes qu’exerce la société réside dans cette puissance qu’elle acquiert non seulement sur nos actions extérieures, mais aussi sur tous nos mouvements intérieurs, sur nos pensées et nos jugements. Ce pouvoir entame toute forme d’autonomie, de liberté et d’originalité de jugement ; ce n’est plus nous qui pensons et jugeons, mais la société qui pense en nous et pour nous. Nous sommes alors dispensés de toute recherche de la vérité, elle nous est glissée dans la main comme une pièce de monnaie déjà gravée. Rousseau décrit cette situation intellectuelle dans son premier écrit philosophique : le Discours sur l’inégalité.
Ernst Cassirer.
Publiés respectivement en 1750 et 1754, les deux Discours répondent à des questions posées par l’académie de Dijon. Le premier – le Discours sur les sciences et les arts – eut un retentissement considérable et valut une immédiate notoriété à Rousseau. Le second – le Discours sur l’inégalité – s’est imposé comme l’un des grands traités de la philosophie politique moderne, suscitant d’innombrables commentaires. Dans des pages désormais classiques, Rousseau jette en philosophe les bases de sa doctrine, notamment l’idée fameuse que tous les maux et les inégalités entre les hommes relèvent d’une seule et même cause : la vie en société.
Commentaires et notes par Gérard Mairet.
« Je suis né à Genève en 1712, d’Isaac Rousseau, citoyen, et de Suzanne Bernard, citoyenne. Un bien fort médiocre à partager entre quinze enfants ayant réduit presque à rien la portion de mon père, il n’avait pour subsister que son métier d’horloger, dans lequel il était à la vérité fort habile. Ma mère, fille du ministre Bernard était plus riche ; elle avait de la sagesse et de la beauté ; ce n’était pas sans peine que mon père l’avait obtenue. Leurs amours avaient commencé presque avec leur vie : dès l’âge de huit à neuf ans, ils se promenaient ensemble tous les soirs sur la Treille ; à dix ans, ils ne pouvaient plus se quitter. » (Extrait du livre I.)
Un jeune précepteur, Saint-Preux, tombe amoureux de son élève, mais leur passion est rapidement contrariée par le père de Julie, qui impose à sa fille d’épouser M. de Wolmar. D’abord désespéré au point de songer au suicide, Saint-Preux voyage, puis revient bien plus tard à Clarens, sur les bords du Léman, auprès de M. et Mme de Wolmar et de leurs enfants dont il devient le précepteur. Comme celui de Julie, son amour passé semble dominé – mais il va resurgir.
Dès sa publication en 1761, La Nouvelle Héloïse rencontre un immense succès – et c’est une œuvre inaugurale. Si bien des sujets abordés par les personnages donnent à ce roman épistolaire une tonalité philosophique, c’est également le récit d’un certain bonheur familial, d’une vie harmonieuse et tranquille dont Julie est le centre. Mais c’est surtout un grand roman d’amour où des êtres de papier vibrent comme s’ils étaient de chair, et où la passion sensuelle de Julie et de Saint-Preux s’avère dévastatrice : leur histoire est aussi celle de la fragilité des âmes fortes.
Edition de Jean M. Goulemot.
Lorsqu’il commence à écrire les Rêveries à l’automne 1776, Rousseau est un vieil homme proche de la mort, presque pauvre, célèbre dans toute l’Europe et pourtant assuré que l’espèce humaine le rejette. Il continue cependant d’écrire et les Rêveries sont à ses yeux la suite des Confessions. Mais il ne s’agit plus désormais de raconter sa vie ni de s’expliquer aux autres pour dévoiler sa vraie nature. Dans une solitude propice à l’introspection, si des souvenirs épars remontent maintenant à sa mémoire, c’est pour lui-même qu’il les consigne en même temps qu’il cherche à se mieux connaître et réfléchir plus largement sur les ressorts de notre esprit humain.
Mais ces méditations sont aussi des promenades où la rêverie devient expansion de l’être, où le contact avec la nature est source de bonheur dans la pure conscience d’exister. Une nouvelle manière d’écrire s’inaugure donc, un libre parcours sans effort que la ligne mélodieuse d’une prose souvent poétique rend admirablement sensible. Ces Rêveries que Rousseau nous laisse lorsqu’il meurt à Ermenonville en juillet 1778, il se peut ainsi qu’elles ne nous soient pas adressées : elles nous sont en tout cas destinées.
Edition de Michèle Crogiez.