Les rubis du calice

Library of Alexandria · AI-narrated by Fiona (from Google)
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2 hr 41 min
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Trop souvent j’ai oublié qu’une seule chose est nécessaire. Jésus était là qui m’invitait à le contempler, à me tenir à ses pieds, simple comme un enfant, uniquement occupé de sa Sainte Face, attentif au regard dont Il m’illuminait l’âme. Mais moi, croyant le mieux servir si je m’agitais autour de lui, j’ai substitué ma volonté à la sienne. Je me suis affairé, çà et là, dans l’assemblée des fidèles ; j’ai prétendu me distinguer parmi les autres ; j’ai multiplié mes empressements comme pour Lui faire valoir mon zèle.

Alors, sous l’apparence d’une activité sanctifiée, mon âme se ternit comme un miroir où s’étale la bave du Vieux Serpent. Ce n’était plus le Maître que je regardais, c’était moi-même avec mon sale orgueil.

Quand mon âme, infatuée, dénombrant, avec complaisance, ses sollicitudes présentes et à venir, toute trépidante de pensées vaniteuses, est revenue s’agenouiller devant Jésus — voici qu’Il s’était en allé…

Effaré, plein de désarroi, je l’ai cherché aux profondeurs de mon être. Écartant les formes et les images du monde, j’ai voulu retrouver cette flamme secrète qu’il m’avait donnée comme un reflet de l’étoile rédemptrice qui brille dans ses yeux. Elle s’était éclipsée.

Quoi m’écriai-je, n’a-t-il pas dit : — Si quelqu’un m’aime, je viendrai en lui et je ferai en lui ma demeure ? Je n’ai donc pas su l’aimer de la façon dont il le demande ?

Sa voix me répondit, très lointaine : — Le feu était ardent mais il ne s’élevait pas sans fumée.

Puis j’entendis l’écho de ses pas s’affaiblir et se perdre dans la distance. Et je connus cette angoisse : la nuit de l’esprit par l’absence de Jésus.

Parmi les ombres froides de cette nuit désolée, je fus dans un désert où il n’y avait plus de chemins ni de poteaux indicateurs. Mon seul Guide étant parti, j’errais, horriblement solitaire, comme au hasard. J’essayais de prier, mais toutes mes prières, en vain dardées vers le ciel, retombaient autour de moi, comme une poignée de sable sur une terre à jamais aride : elles se dispersaient au souffle des vents âpres qui balaient cette noire étendue. Si je faisais effort pour les renouveler, je ne parvenais à les articuler qu’avec ennui et dégoût. Je tentais de me réfugier dans l’Évangile, verger miraculeux où, naguère, Jésus m’avait permis de récolter les fruits suprasubstantiels de son enseignement. Mais il me sembla que c’était un enclos où ne végétaient que des arbres stériles. Bientôt il me devint impossible de prier ou de concevoir une fin à cet abandon. Le désert intérieur reculait ses limites à l’infini ; les ténèbres devenaient de plus en plus épaisses. Elles pesaient si fort que mon âme fléchit. Gisante sur le sol, ne pouvant même pas pleurer, suant une sueur sanglante, elle demeurait inerte dans le silence affreux que déchirait parfois le rire funèbre de celui qui se nomme : le père de la désespérance éternelle.

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