On associe traditionnellement le terme de « camp de concentration » à l'Allemagne nazie ; la mémoire historique en Occident semble avoir oublié que des camps semblables, les « kontslager », apparurent en Russie dès 1918, lorsque au lendemain de la Révolution, Lénine et Trotski organisèrent la répression contre les « ennemis du peuple ». Dès lors, le phénomène du Goulag ne cessa de s'amplifier pour devenir, dès avant Staline, la première administration de l'Union soviétique, et ne disparut qu'à la chute du régime en 1989. Il fit près de 20 millions de victimes. Si Soljenitsyne, avec L'Archipel du goulag, en a donné un inoubliable témoignage littéraire, aucun historien jusqu'à présent n'avait entrepris de faire la synthèse historique de l'univers concentrationnaire propre au régime soviétique. C'est ce qu'a fait Anne Applebaum, en puisant dans une masse prodigieuse et jusqu'ici largement inexplorée d'archives, de témoignages, de mémoires et d'interviews de survivants. Goulag retrace l'origine des camps, leur essor sur tout le territoire soviétique, des Solovki à la Kolyma, puis leur déclin progressif. À cette analyse historique, géographique et économique du système s'ajoute, pour la première fois, une étude sociologique minutieuse de la vie quotidienne des millions de « zeks » emprisonnés : l'absurdité des arrestations, la cadence infernale des travaux, la terreur, les violences inouïes et la mort, omniprésentes, les effroyables conditions d'hygiène et de subsistance, mais aussi les stratégies de survie, les tentatives d'évasion, et l'espoir et la solidarité qui, en dépit de tout, subsistent... Cet ouvrage est une étude historique à la fois passionnante et d'une importance capitale, un recueil bouleversant de témoignages essentiels à la compréhension d'un phénomène trop longtemps ignoré.