Leur idéologie, leurs ambitions, sont-elles si divergentes ? Faut-il croire, comme on nous l'a enseigné, qu'à des chevaliers mal dégrossis et prompts à régler leurs querelles par l'épée, l'Église aurait appris peu à peu la civilisation des moeurs, la canalisation des pulsions, la paix et la charité ?
À lire les récits du temps, les chroniques et les hagiographies, ces histoires de batailles, de miracles, d'exorcismes et d'anathèmes qui forment tout l'horizon culturel des hommes de l'époque, il semble plutôt que les seigneurs et les saints, avec ou sans la bénédiction divine, aient en fait combattu côte à côte, pour assurer et maintenir la domination d'une certaine caste, la même, la leur, sur la population paysanne. En somme, si le système féodal a pu durer, c'est parce qu'il était chrétien, c'est parce que la religion, dans ses pompes et ses oeuvres, est venue prêter son concours à un ordre politique très peu respectueux des commandements divins.
Dominique Barthélemy a été l'élève de Georges Duby et de Pierre Toubert. Il est revenu sur la question de la mutation de l'an mil, à partir de sa thèse sur La société dans le comté de Vendôme, de l'an mil au XIVe siècle (Fayard, 1993). Il enseigne comme directeur d'études à l'École Pratique des Hautes-Études (IVe section) depuis 1994 et comme professeur à l'Université de Paris-Sorbonne (Paris IV) depuis 2000. Les essais réunis ici prolongent deux ouvrages publiés chez Fayard : La mutation de l'an mil a-t-elle eu lieu ? (1997) et L'an mil et la paix de Dieu (1999).
Dominique Barthélemy, membre de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), est professeur d’histoire du moyen âge à Sorbonne Université