Mon pre, plong dans la douleur que lui avait cause la mort de ma mre, avait renonc toute espce de luxe, et s'occupait peu de moi; il sortait toujours seul et ne me parlait presque jamais. Toutefois il ne ngligeait rien pour mon bien-tre et dsirait que mon ducation ft soigne.
La mre de Louise, au contraire, vite console, ne vivant que pour sa fille, travaillait grand'peine rtablir une fortune trs compromise la mort de son mari.
Nos vies se ressemblaient donc, en somme, quoique par des raisons trs diffrentes.
Nous avons ainsi pass notre premire enfance, nous cherchant toujours et toujours heureuses de nous retrouver. Que de douces heures se sont coules nous confier l'une l'autre nos importantes affaires... ces mille riens qui tiennent une si grande place dans les existences de dix douze ans,... que sais-je, une promenade projete et manque, une leon plus ou moins bien apprise! Ë cet ge, on ignore encore quel chapeau sied le mieux, ou quelle robe avantage la tournure; j'avoue pourtant ma honte que Louise a commenc s'en douter avant moi; elle me trouvait jolie, sans doute par bienveillance; quant elle, elle devenait tout simplement trs belle; aussi, vers la fin de sa dix-huitime anne, elle fit un mariage inespr, et, c'est le cas ou jamais de le dire: pour ses beaux yeux. Comme son mari tait bien alors! Il avait un caractre des plus aimables, une intelligence au-dessus de la moyenne, et, avec cela, une fortune colossale.