« L'homme Keynes est fascinant. Peut-être encore plus grand que l'oeuvre. C'est une permanente alchimie des contraires : l'objecteur de conscience qui sert son pays en guerre, le marginal de Bloomsbury qui s'installe au coeur de l'establishment; le grand bourgeois élitiste qui devient la coqueluche des gauches du monde entier; le dandy homosexuel qui épouse une des danseuses les plus courtisées de l'époque ; l'antisémite séduit par les Juifs ; le germanophile atlantiste ; le spéculateur qui se méfie des marchés ; l'esthète qui se consacre aux disciplines les plus austères ; l'intellectuel qui se rêve homme d'Etat ; le conseiller qui se veut homme d'action... Il existe autant de Keynes qui, pourtant, n'en forment qu'un seul: c'était, pour reprendre le mot qu'il emploie à l'égard de Freud, une sorte de diable. » A.M. Rappels sur John Maynard Keynes (1883?1946) : élève de Marshall à Cambridge, puis conseiller du Trésor britannique durant la Première guerre mondiale, il étudie « Les conséquences économiques de la Paix » (1919) et s'obsède à l'idée de la reconstruction de l'Europe (questions de la dette, des réparations, etc.). Auteur d'un Traité sur la monnaie (1930) puis de la fameuse Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936), Keynes s'attaque au problème du sous-emploi qui règne en Grande Bretagne après 1930. Il prône une relance de la consommation, une baisse du taux d'intérêt, un accroissement des investissements publics, toutes mesures impliquant un investissement de l'Etat. Il se met peu à peu à jouer un rôle de prophète sur la scène internationale, qui culminera à la Conférence de Bretton Woods (1944). Il devient après sa mort un mythe, auquel la gauche et parfois la droite ne cessent de se référer.