Le Traité de l'Emploi des Saints Pères, paru en 1632, fut un véritable coup de tonnerre dans le ciel de la controverse religieuse au dix-septième siècle entre Catholiques et Protestants ; c'est lui qui propulsera à 35 ans son auteur, Jean Daillé, dans l'arène publique. Jusqu'alors les Réformés, suivant en cela Calvin qui connaissait très bien les écrits patristiques, avaient adopté un profil relativement respectueux et conciliant vis-à-vis de cette autorité des Pères que leur opposait fréquemment l'Église de Rome. Un siècle plus tard, la situation a changé en France : les controversistes catholiques sont devenus beaucoup plus agressifs sur ce terrain, et Richelieu peaufine sa stratégie pour reconvertir un maximum de protestants. C'est alors que Daillé, chez qui on sent déjà poindre l'esprit du Discours de la Méthode de son contemporain Descartes, déclare en ouvrant son livre « que les Pères ne peuvent être juges des controverses aujourd'hui agitées... parce que l'entendement ne peut ni ne doit croire en matière de religion, que ce qu'il sait être assurément véritable,» et en poursuivant : « les opinions avancées par les Pères en leurs écrits sont fondées non sur leur autorité, mais sur leurs raisons, elles n'obligent notre croyance qu'en tant qu'elles sont conformes, ou à l'Écriture, ou à la raison, et doivent être examinées par l'une et l'autre... Que l'on examine les Pères par l'Écriture et non l'Écriture par les Pères.» Selon Alexandre Vinet : « La nouveauté et le piquant du sujet, un plan simple et heureux, une méthode excellente, un style aisé et passablement vif, sans aucune âcreté, ont fait de ce traité le premier livre de controverse vraiment populaire.»