À son retour en France en 1948, ce collectionneur de diplômes devenu professeur à l'université Osmania de Hyderabad disposait d'une documentation considérable qui lui permettait de faire la part des préjugés idéologiques chez de très grands orientalistes et de relativiser la valeur scientifique de leurs principales conclusions.
L'orientalisme clérical de Lammens cédait alors la place à celui, plus laïcisant, de nouveaux arabisants, comme Régis Blachère dont la traduction du Coran (1947) et son Problème de Mahomet (1952) faisaient autorité.
Hamidullah a repris la « coopération entre camarades de travail intellectuel » (Massignon) avec les plus en vue des orientalistes. Il a trouvé ses anciens maîtres, Gaudefroi-Demonbynes et Massignon très déçus par la traduction de Blachère, qui avait mieux réussi l'étude du supposé faux prophète, Moutanabbi. Massignon se disait « intérioriste » (étudier l'Islam de l'intérieur, pour mieux comprendre les musulmans) et refusait de croire à la « fourberie de Mohammed». Les encouragements de ces deux grands maîtres, qui tenaient à des relations loyales avec les musulmans, ont encouragé Hamidullah à publier en 1959 sa propre traduction du Coran et Le Prophète de l'Islam: sa vie, son œuvre. Les lecteurs d'une biographie du Prophète, écrite en français, par un grand érudit musulman, se laissaient moins impressionner par les attaques, plus ou moins savantes, contre le Coran et le Prophète.
De nos jours, quelques néo-orientalistes, beaucoup moins savants que Lammens et Blachère, croient utile de recommencer, sous d'autres formes, à semer le doute sur l'authenticité du Coran et la sincérité du Prophète. sûr de ses sources, Hamidullah défendait inlassablement les textes fondateurs de l'Islam et ne cessait de rappeler que les thèses orientalistes qui commencent par séduire finissent à la longue par se démoder.
Ce volume regroupe les articles que ce grand savant destinait au grand public pour l'éclairer sur la codification des textes fondateurs de l'Islam.
L'argumentaire puisé par Hamidullah dans des sources souvent inédites peut répondre aux attentes de ceux qui déplorent le déclin de l'islamologie. Les musulmans, encore privés d'une véritable éducation musulmane, peuvent, à la lecture de ces textes, relativiser à leur tour les hypothèses sur le « Coran des historiens », et les conclusions hâtives, comme celles de ce paléographe, assez bon arabisant, qui s'autorise à douter du «Coran de Othman» et prétend produire le «Coran scientifique», qu'on attend toujours depuis les promesses enthousiastes de sa leçon inaugurale. Hamidullah peut même être utile aux néo-orientalistes qui ne prétendent pas détenir la vérité.