Il y a presque dix ans – avant WikiLeaks, Occupy Wall Street et le Printemps arabe –, l’anthropologue Gabriella Coleman se plongeait dans l’étude d’un phénomène mondial alors en pleine expansion: la communauté de hackers au masque désormais célèbre, Anonymous. Après quelques mois, elle était devenue si étroitement liée au groupe – tantôt confidente, tantôt interprète ou porte-parole – que ce statut ambigu, atypique, avait pris une place centrale dans son travail. C’est depuis cette zone liminaire que ce récit entreprend de cerner la nébuleuse, à la manière d’un journal d’enquête anthropologique. Son immersion étonnante dans la sous-culture d’Anonymous, Gabriella Coleman l’enrichit de témoignages obtenus auprès de hackers célèbres en pleine action. S’y chuchote, dans l’ombre de la figure légendaire du trickster, la jubilation du «lulz» – le plaisir de jouer des sales tours, la délectation du «trolling», l’exaltation de la piraterie. Une forme naissante et rageuse d’activisme s’y déclare aussi haut et fort, qui aura le succès que l’on connaît. Sans rien céder aux charmes de l’anecdote, l’ouvrage pense plus largement l’action directe dans le cyberespace, en creusant notamment la question de l’éthique du «hacking». Il examine dans le même temps les mécanismes de répression conçus par les autorités pour contrer cette nouvelle forme de contestation. Cette étude sur Anonymous est indubitablement la plus complète et la plus rigoureuse existant à ce jour.
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