Washington, nuit du 25 février 1862. Dans le paisible cimetière de Oak Hill,
non loin de la Maison-Blanche, quelque chose se prépare... Un peu plus tôt
ce même jour, on a enterré un petit garçon prénommé Willie, qui n’est autre
que le fils du Président des États-Unis. Ce soir-là, Abraham Lincoln, dévasté
de chagrin, s’échappe de son bureau pour venir se recueillir en secret sur la
sépulture de son enfant.
Il croit être seul – il ne l’est pas. Bientôt, des voix se font entendre, et
voici que jaillit des caveaux tout un peuple d’âmes errantes, prises au piège
entre deux mondes, dans une sorte de purgatoire (le fameux Bardo de la tradition
tibétaine). L’arrivée du jeune Willie va déclencher parmi eux un immense
charivari – une bataille épique, reflet d’outre-tombe de la guerre de Sécession
qui, au même moment, menace de déchirer la nation américaine.
Tour à tour inquiétants, hilarants, attendrissants, les spectres surgis de
l’imagination de George Saunders nous offrent un spectacle inouï, qui tient
de la farce beckettienne autant que de la tragédie shakespearienne. Magistral
chef d’orchestre de ce choeur d’ombres baroques, George Saunders s’amuse
à dynamiter tous les registres romanesques, pour mieux nous confronter aux
plus profonds mystères de notre existence : qu’est-ce que la mort ? qu’est-ce
que la vie ? qu’est-ce que l’amour ? et comment vivre, et aimer, quand nous
savons que tout est voué au néant ?